Résultat de recherche d'images pour "les inrocks"

Alors que le féminisme est devenu un thème de société incontournable,le magazine INROCKUPTIBLES a décidé d’interviewer des personnalités de tous horizons à ce propos. Parfois éloignées du sujet, spécialistes, investies ou inattendues, elles  livrent leur vision de la lutte pour l’égalité homme-femme.

Voici l’interview de Rebecca Amsellem, fondatrice de « Les glorieuses » d’où sont tirés ces quelques figures illustrant les différences hommes-femmes.

Ce diaporama nécessite JavaScript.

 

Le féminisme selon … Rebecca Amsellem

Comment est née votre conscience féministe ?

J’ai grandi dans un milieu assez privilégié. Jusqu’à un certain âge, je n’avais même pas conscience qu’il y avait un problème avec la condition des femmes. On ne parlait pas de féminisme à la maison, mais ma famille était structurée par des femmes très fortes. Ma mère, cheffe d’entreprise, et mes deux grand-mères qui étaient aussi de fortes têtes. Disons que j’étais prédisposée.

Après, ce sont des petits événements de la vie. Par exemple vers six ou sept ans, on m’a demandé à l’école d’écrire sur un bout de papier ce que je voulais faire plus tard. J’ai marqué “Présidente de la République”. J’y croyais vraiment, pour moi c’était un métier comme un autre. L’institutrice a convoqué mes parents pour leur dire que je me foutais du système scolaire. J’ai été punie pendant une semaine. Ce n’était pas vraiment une prise de conscience, j’étais trop jeune. Mais j’ai senti qu’il y avait une injustice. En grandissant, ce sont plutôt des écrivaines ou des artistes qui m’ont sensibilisée au combat féministe. Frida Khalo ou Flora Tristan par exemple.Frida Khalo, autoportrait (Flickr/Irina/Public Domain)

 

 

De quelle manière Frida Khalo vous a-t-elle sensibilisée au féminisme ? 

Elle a su dépeindre la dualité dans laquelle les femmes vivent, elles observent et elles sont observées. Dans la vie d’une femme, il naît très tôt une ambivalence dans le fait d’être l’objet de regards. On en a conscience, sans vouloir forcément l’éviter. Mais on peut aussi avoir envie de l’intensifier en suivant des codes que l’on nous prescrit : être maquillée mais pas trop, être fine mais pas trop … Dans un autre registre, Frida Khalo m’a influencée dans le sens où elle n’hésitait à représenter ses peurs et ses angoisses : elle n’en avait pas honte.

Votre démarche féministe est donc plutôt intellectuelle ?

Oui, elle s’est formé comme ça, et non “sur le terrain”. Car de par le milieu où j’ai grandi, je n’ai pas eu à me défendre. En tout cas pas comme des femmes noires, arabes ou asiatiques peuvent avoir à le faire. Je me suis enrichie avec des artistes, des femmes de lettres. Je pense que ça se ressent dans Les Glorieuses aujourd’hui, j’ai une approche plus littéraire et moins pratique que d’autres organisations qui font des actions concrètes…

Êtes-vous engagée dans un mouvement féministe ? 

Non, je serais bien incapable de faire ce que font les féministes militantes. Pour moi le militantisme, c’est faire partie d’une organisation hiérarchique, avec des valeurs, des contraintes, des moyens d’action spécifiques… Si l’on veut être militante il faut rentrer dans une organisation et s’y plier. J’ai essayé, mais participer à des réunions tous les mardis de 18h à 23h, ce n’était pas du tout pour moi… Je me considère davantage comme une activiste qui se bat différemment pour le féminisme.

Même si je ne suis pas tout à fait d’accord avec telles actions ou telles lignes, au fond, nous voulons toutes la même chose. Plus il y a de diversité, mieux c’est ! Toutes les femmes ne peuvent pas se retrouver dans un seul type de revendication.

Que pensez-vous des moyens d’action plus extrêmes comme ceux des Femen par exemple ?

Je suis admirative. Clairement, elles ont remis le mot féminisme au coeur du débat. Les gens mettent un visage, ou au moins des seins, sur ce qu’est le féminisme. Ça a permis à toutes les organisations qui ont émergé après d’avoir un terrain auprès des médias qui ont commencé à s’intéresser au sujet. Une flopée d’organisations n’existeraient pas sans elles, Les Glorieuses y compris. C’est ma manière de m’engager.

Le 8 mars dernier, nous avons fait une infographie qui répertorie toutes les associations féministes (voir ci-dessus), divisées en secteurs: économie, politique, intersectionnalité, opinion sur la prostitution… C’était une manière de dire: “Nous ne sommes pas une organisation activiste, mais si vous voulez vous engager, voilà où vous pouvez le faire.” Ça a très bien marché, je pense qu’il y avait un vrai besoin de mettre les choses à plat et de répertorier. Depuis, on reçoit beaucoup de mails de nouvelles associations qui se créent et qui demandent à être ajoutées.

Les Femen au Trocadéro en mars 2012 (Joseph Paris/Wikimedia Commons)

 

Pourquoi avez-vous créé Les Glorieuses

D’abord pour proposer une réflexion décalée sur des sujets qui ne sont pas abordés dans les médias féministes ou mainstream. On aborde chaque semaine, une thématique de société comme la peur de parler en public, le syndrome de l’imposteure, le edging, ou encore la contraception. L’autre objectif est de déculpabiliser les femmes sur des sujets du quotidien : l’amour, le travail, le sexe, les régimes…

Qu’est-ce qui culpabilise les femmes aujourd’hui ? 

Nous vivons dans une société qui a longtemps entretenu une image figée de la femme. Elle doit être à la fois une mère, et surtout une bonne mère, une employée ou femme d’affaire accomplie, une cuisinière qui sait transmettre les traditions, une amante avertie… Tout ça en ayant un corps parfait. C’est ce modèle de superwoman qui culpabilise les femmes. Il est entretenu par la publicité mais aussi par les films, et les discours politiques.

Y a-t-il un manque d’information féministe dans les médias mainstream ?

On est en 2016 et pourtant on parle toujours de “crime passionnel lorsqu’un homme tue une femme. Lorsqu’une femme se fait violer ou voler comme Kim Kardashian, on blâme dans un premier temps la victime. Une information féministe serait de parler de féminicide lorsqu’une femme est tuée. On assiste néanmoins à une évolution du traitement de l’information dans les médias. Les journalistes ont conscience de leur pouvoir sur la perception des femmes dans la société.

Que conseillez-vous à des jeunes gens qui veulent s’intéresser au féminisme ? 

Il y a beaucoup de choses dans la culture populaire qui explorent le féminisme. Il faut lire, par exemple Americanah, de l’écrivaine nigériane Chimamanda Ngozi Adichie, dont les propos avaient été samplés par Beyoncé. L’amie prodigieuse, d’Elena Ferrante aussi… Et il faut aller au cinéma! Un film comme Divines, c’est quand même génial qu’on puisse voir ce genre de choses aujourd’hui ! Il faut aller voir ce qui se fait dans plusieurs mouvements, ne pas se cantonner à un seul, même si on s’y sent bien. On s’intègre toujours facilement avec des gens qui nous ressemblent. Mais il faut sortir de sa zone de confort, s’ouvrir sur l’extérieur, et sur des personnes différentes, qui subissent d’autres discriminations. Et puis, comme l‘explique Gloria Steinem dans son livre On the road, un changement ne se fait pas derrière un écran, il faut multiplier les moyens d’action, prendre la parole, manifester, s’exprimer dans des conférences… Cette années on prépare des expos et des conférences, autour du pop féminisme. On s’apprête également à créer Les petites Glo’ une deuxième newsletter destinée à toucher des générations plus jeunes. Ça va parler, entre autres choses, de sexualité, de consentement, mais aussi présenter des modèles de femmes inspirantes.

La culture a-t-elle un rôle libérateur pour les femmes ?

Oui, je crois vraiment dans le pouvoir émancipateur de la pop culture. Le livre Le complexe d’Icare d’Erica Jong a par exemple libéré les femmes du carcan freudien en les déculpabilisant par rapport au sexe. C’était un best seller dans les années 70. Depuis quelques années, beaucoup de séries montrent les femmes sous des angles nouveaux. Girls montre des corps différents, The Awkward Black Girl de la géniale Issa Rae met en scène une jeune femme noire qui essaie de s’accommoder des codes sociaux. Fleabag montre que le féminisme peut aussi avoir ses contradictions.

 

L’INTERVIEW EN PDF : le-feminisme-selon

 

 

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.